J’aurais tellement aimé te rencontrer avant. Lorsque j’étais petite. Genre 9 ans. Il me semble que je t’aurais trouvée en un ou deux mots-clés.
Y’avait même pas d’Internet dans ce temps-là.
Ç’aurait été vraiment cool pareil de te voir apparaître dans mon ordi. Dans ma chambre, genre. Surtout la page avec ton oreille.
Ç’aurait été pas mal mieux que la fenêtre qui donnait sur la cour. Il avait fallu mettre des barreaux devant parce que y’avait des boys de l’école secondaire Georges-Vanier qui pitchaient des bouteilles dessus. Y’avait aussi des voleurs qui rentraient par infraction pour me voler mon gameboy. C’est tough quand tout ce que t’as envie de faire, c’est de jouer à Tétris contre ta demi-sœur.
Mais tout ça c’était rien à côté du fantôme.
On avait quand même un ordi. On inventait des chasses aux trésors dedans. I guess que c’était notre manière de se créer un Internet. Claudine, c’était la meilleure. Elle collait un post-it sur l’écran d’ordi. Je l’admirais tellement pour les fioritures dans son écriture.
Dans le dossier soleil, il y avait un autre dossier. Il s’appelait « nuages ». Pis une fois rendue dans les nuages, y’avait un document word. C’était écrit dedans : « ouvre la corbeille et trouve le document J’AI FAIM ». Pis dans le document en question, c’était écrit « as-tu faim Patty? Si oui, ouvre le document bouffebouffeencore. Il est en bas, à gauche de l’écran. » Pis là, dedans le document, y’avait un rv dans la cuisine avec Claudine pis Maggy. Rendues dans la cuisine, fallait faire semblant de changer une couche à une poupée. Le fantôme pis l’ange en porcelaine regardaient la télé juste à côté. Fallait être subtiles.
L’ange cassait à rien pis le fantôme faisait peur à Claudine.
Claudine criait :
-aaaaah, il faut changer sa couche, hein Maggy?
-Oui, je prends les effectifs immédiatement.
(Cornichons pis Nutella)
Moi je checkais la porte à double-battant.
Il arrivait parfois à Maggy de se lever la nuit, d’aller chercher le pain dans la dépense et de dormir avec.
Tout ça pour dire que Maggy, Claudine pis moi, on aurait été des vraies fans de toi, Mouchette. Ça nous aurait peut-être donner le courage d’en révéler un peu plus sur notre domicile qu’on appelait, dans une de nos nombreuses tounes, « L’animalerie Villeray ». On chantait ça sur l’air de l’annonce de L’animalerie Dauphin. C’était ben joyeux. T’sais comment c’qu’on est, les enfants.
Patty xx
2 réponses à “Chère Mouchette”
Chère Patty,
Si Patty (9ans) et Mouchette (13 ans) doivent se rencontrer, elles se rencontrent, c’est tout! Et si cette rencontre doit donner du courage, ce courage sert à tout ce qu’on veut. Le courage pour le passé, ça existe aussi.
« Untimely collaborations », le philosophe Jalal Toufic appelle cela comme ça…
Untimely collaborations : j’aime!
Merci Martine… 🙂