Le meilleur texte

Plus petite que moi, je ne sais pas trop comment elle arrivait à me regarder de si haut, genre, je devais renfoncer pas loin du centre de la terre, le point ultime où tu revires à l’envers à cause de la gravité qui se fait sentir dans l’autre hémisphère. J’avais mal au cœur.

Ils ont parcouru quelques unes de mes chansons, je leur ai expliqué mes objectifs dont celui d’anéantir À TOUT PRIX la calice de méthode Écrire une chanson de Robert Léger,  et ils m’ont dit :« embarque donc! » J’ai dit « ok : cré moi, cré moi pas, m’a te fucker l’Alaska ». Dès le premier atelier, j’observais mes nouveaux compères et surtout celle-là : « tellement pompeuse »,  que je me disais.

Le but était de se donner des contraintes, d’esquisser une chanson, de la lire à haute voix et de se donner mutuellement du feedback.

Il fallait écrire et sachant que j’allais être entendue dans les minutes suivantes, le censeur à l’intérieur de moi a dit « Allo Patty, j’arrive pis j’reste » avec son barratin habituel genre  « Je suis là pour t’empêcher de te ridiculiser, trust me baby (clin d’oeil)! »

…Puis il a bloqué le passage vers la WILD que je suis.

À tour de rôle, torse bombé, chacun lisait ses figures de style, ses tournures de phrases, ses petits prouesses rhétoriques, genre :

« Je l’ai l’afFAIRE quand je m’afFAIRE à FAIRE ç’t’afFAIRE-là, fiER d’être FERré ç’t’afFAIRE!»

« Peut-être » que je me disais, mais crisse, ça fait tu une bonne chanson ça?  On était tous complexés, ça fait qu’on essayait presque consciemment de complexer les autres avec des tours de force. Il n’y avait PAS d’échange.

On s’écoutait avec le BREAK à BRAS.

La pompeuse qui continuait de m’enfoncer au centre de la terre et dont je redoutais les éruptions  repoussait le moment de sa lecture. « Elle fait sa chochotte » que je me disais. Puis elle s’est mise à lire, ROUGE DE HONTE, quelque chose qui n’était audiblement pas une chanson :

« J’avais commencé à écrire, mais je pensais sans cesse au moment où j’allais vous lire mon foutu texte, alors j’essayais de réfléchir à une manière de vous impressionner parce que je ne supporte pas de ne pas être la meilleure, parce que j’ai besoin qu’on me dise que je suis la meilleure, malgré le vide que cela laisse après. Mais alors je me suis dit, ça sert à quoi crisse d’être ici, quand de toute manière, peu importe ce que je fais, je veux juste me prouver. Désolée, c’est vraiment nul. »

que j’ai dit en remontant à la surface. Ça ferait une bonne toune d’anti-folk. Elle avait MIS SON DOIGT sur le détonateur, elle venait alors de bousiller nos égos et nos censeurs, car son texte à lui seul était parvenu à créer une GRANDE UNITÉ et une PRÉCIEUSE INTIMITÉ entre nous TOUS…